'Never wait for the perfect' — an interview with Wes Hall
Homme d'affaires de Bay Street, investisseur de la série Dans l'œil du dragon (version française de Dragon's Den), artisan du changement, modèle à émuler — Wes Hall incarne tous ces rôles. Et chaque rôle se fond parfaitement dans l'autre, marqué par une caractéristique commune : il est quelqu'un qui défend fermement ses convictions. Actuellement, sa conviction est que les personnes de couleur méritent davantage de sièges aux tables influentes.
« Mes entreprises, dans leur ensemble, emploient plus de 1 000 personnes », déclare Hall lors d'un entretien. « Plus de 1 000 personnes qui paient des impôts, envoient leurs enfants dans des écoles privées et publiques, achètent des maisons, redonnent à l'économie canadienne. Comment l'économie peut-elle bénéficier du fait de restreindre quelqu'un comme moi? Ou comme vous? Cela nous fait du tort à tous. »
Cela fait plus de deux ans et demi que Hall a mis au défi les entreprises canadiennes avec l'Initiative BlackNorth visant à mettre fin au racisme systémique anti-Noir et à promouvoir l'embauche inclusive. Des centaines de PDG de partout au Canada, dont Gillian Riley de Tangerine, ont signé l'engagement BlackNorth en 2020, en vue d'accroître la représentation des Noirs dans le marché du travail. Tangerine a également fait un don à BlackNorth en février 2023 en l'honneur du Mois de l'histoire des Noirs.
« Le racisme systémique existe sur ce continent depuis des siècles, et nous ne nous attendions pas à ce que tout soit résolu en l'espace de deux ans », explique Hall.
« Mais je peux vous dire que d'ici 2025, je m'attends à ce que nous tenions, vous et moi, une conversation très différente en ce qui concerne la représentation des Canadiens Noirs. »
Hall s'est récemment entretenu avec nous au sujet du soutien à la communauté Noire, de ses conseils aux jeunes et de quelques perles de sagesse financière. Il a également évoqué l'histoire remarquable de sa propre vie, qu'il raconte dans un nouveau récit intitulé No Bootstraps When You're Barefoot : My Rise from a Jamaican Plantation Shack to the Boardrooms of Bay Street.
Q : Commençons par ma citation préférée tirée de votre livre : « Pour moi, être Noir c'est ma super puissance. » Étant moi-même une personne Noire, on m'a dit que mes expériences uniques étaient un atout supplémentaire. Comment puis-je en tirer parti?
Wes Hall : Lorsque vous vous retrouvez dans une situation où vous êtes la seule minorité visible dans la pièce, les gens peuvent être nombreux à sous-estimer votre contribution. Et ce, à leur détriment.…
Alors ils ne donnent pas le meilleur d'eux-mêmes — tandis que vous vous présentez dans cette pièce en sachant très bien qu'ils vous croient moins compétent alors que vous donnez à chaque fois le meilleur de vous-même.
Chaque fois que nous faisons ça, nous gagnons. Nous offrons toujours quelque chose que ceux qui n'ont pas donné le meilleur d'eux-mêmes n'arrivent tout simplement pas à faire — parce qu'ils nous ont sous-estimés.
Q : Comment se sentir à l'aise avec le fait d'être la personne qui sort du lot? Comment transformer sa singularité en une force?
Wes Hall : Eh bien, tout d'abord, si vous êtes une « seule » (la seule personne Noire dans la pièce), c'est une situation très, très difficile à vivre. Très difficile… McKinsey a réalisé une étude antiraciste (en anglais) portant sur le secteur des services financiers. Elle examine le phénomène d'être la seule personne.
Lorsque vous êtes la seule personne dans la pièce, vous avez l'impression de représenter une race entière. Chaque fois que les gens veulent argumenter ou faire un commentaire sur votre culture, ils viennent vous voir en tant qu'autorité en la matière. Il faut également mentionner l'intensité plus élevée des microagressions que vous subissez lorsque vous êtes la seule personne. Être la « seule » est psychologiquement éprouvant pour cette personne.
Q : Alors, que peut faire la personne qui est seule?
Wes Hall : Si vous êtes seul, voici ce que je dirais : c'est à la personne concernée de se faire entendre et de dire : « Je ne veux pas être un symbole. » Si, par exemple, vous êtes le premier vice-président ou que vous faites partie de la direction, et que vous ne prenez pas la parole lors des discussions sur la diversité, rien ne changera.
Je suis toujours d'avis que si vous avez la chance d'être la première personne à vous trouver dans cette situation, vous avez le privilège de vous assurer que vous n'êtes pas la seule personne présente.
Q : Cela ressemble à ce que vous faites avec BlackNorth, que vous avez lancé en 2020 et envers lequel 500 entreprises — dont Tangerine — se sont engagées. De quoi êtes-vous le plus fier?
Wes Hall : Je suis fier du travail que nous avons accompli en très peu de temps. De nombreuses entreprises extraordinaires ont accompli des choses remarquables.
Nous voyons de plus en plus de personnes Noires au sein de conseils d'administration et de directions d'entreprises. Elles ne sont pas tombées du ciel. L'économiste Noir que nous voyons maintenant à la télévision, ou les directeurs qui font maintenant partie de conseils d'administration : où étaient-ils auparavant? Ils étaient tous là. Ils ne se sont pas qualifiés du jour au lendemain pour être directeurs, économistes ou membres de la direction. Ces gens sont là depuis toujours. Mais on les a laissés de côté! Depuis des années.
Aujourd'hui, grâce à des organismes comme BlackNorth, ils obtiennent le respect et l'attention qu'ils méritent.
Q : Je constate le chemin que nous avons parcouru. Que reste-t-il à faire?
Wes Hall : Le Projet Prospérité est une initiative qui a été lancée en 2020. Elle soutient la représentation des femmes dans les conseils d'administration et dans les équipes de direction des entreprises canadiennes.
Récemment, l'organisme a publié un rapport indiquant qu'au Canada, les femmes occupent 34,2 % des postes au sein des conseils d'administration, 29,2 % des postes de haute direction, 41,9 % des postes de cadre supérieur et 54,8 % des candidats à des postes de cadre supérieur. De ces chiffres, les femmes de couleur n'occupent collectivement que 6,2 % des postes de conseil d'administration, de haute direction, de cadres supérieurs et de candidatures à des postes de direction. De plus, pour les femmes Noires et les femmes autochtones, ce pourcentage est inférieur à 1 %.
La plupart des entreprises qui ont participé à l'enquête ont signalé qu'aucune femme Noire ou autochtone ne siégeait au conseil d'administration ni ne faisait partie de la haute direction, des cadres supérieurs ou des candidats à des postes de direction. Zéro!
Q : Cela m'amène à la représentation. En Jamaïque, vous avez vu des professionnels Noirs, alors en arrivant ici, vous n'étiez pas conditionné à penser que vous ne pourriez pas réaliser vos rêves. Quel est l'impact de la représentation?
Wes Hall : Si vous voyez quelqu'un qui vous ressemble faire un travail merveilleux au plus haut niveau, vous serez encouragé. Vous vous direz : je pense que je peux un jour faire comme cette personne. Et cela va vous encourager à travailler fort et à faire tout ce qu'il faut pour y arriver.
Lorsqu'on vous dit que cette personne a dû faire face à diverses formes de racisme pour y parvenir, il se peut que vous vous disiez : Je ne suis pas sûr d'être assez fort pour traverser ces épreuves afin d'y parvenir. Mais lorsque vous voyez des gens y parvenir grâce à leurs capacités et à leur travail acharné, cela motive davantage, car vous pouvez travailler tout aussi fort et avoir le sentiment que vous méritez les mêmes opportunités.
Q : Ce qui me frappe particulièrement dans votre histoire, c'est que vous avez continuellement repoussé les limites. Qu'est-ce qui vous motive à vouloir sans cesse dépasser les limites de vos ambitions?
Wes Hall : À l'époque, quand je vivais dans cette cabane en tôle en Jamaïque, je ne pensais pas que cette vie serait possible. Mais j'ai décidé : pourquoi ne pas tenter le coup? Et aujourd'hui, BlackNorth transforme réellement les choses parce que j'ai décidé de me lancer. Impossible de connaître ses limites sans se dépasser.
Je m'y consacre parce qu'un jour, je n'aurai plus le privilège et l'influence que j'ai aujourd'hui. Nous les perdons tous à un moment ou à un autre. Pourquoi ne pas faire bon usage de ces privilèges et de ces compétences tant que vous le pouvez? À un moment donné, je vais prendre ma retraite. Mais je veux pouvoir considérer ce que j'aurai fait et me dire : J'ai fait tout ce que j'ai pu; la petite ambition que j'ai, et les petites compétences que le bon Dieu m'a données, j'ai pu les utiliser au maximum.
Q : Je comprends très bien. Mourir vidé; savoir que vous avez fait le meilleur usage possible de ce que vous aviez, au lieu d'amener tout ce potentiel dans la tombe, n'est-ce pas?
Wes Hall : Ouais, exactement.
Nous avons un tel potentiel et la capacité de faire de grandes choses. Puis on tombe malade. Boum! On meurt. Et tout ce potentiel meurt avec nous.
Ce pour quoi vous êtes doué, voilà votre talent. La plupart d'entre nous avons un talent que nous pouvons développer en d'autres talents et choses que nous pouvons faire.
Q : Quelles deux perles de sagesse offririez-vous à un jeune qui veut faire changer les choses?
Wes Hall : À l'âge de 19 ans, j'ai rendu visite à ma grand-mère en Jamaïque. Elle avait 90 ans, vivait encore dans une cabane en tôle et élevait des arrière-petits-enfants. Pendant ce voyage, je lui ai fait une promesse : « Maman, je vais te libérer de cette cabane en tôle. » Après cette visite, ma grand-mère a fait sa valise et a attendu que je l'appelle. Mais elle est morte. Elle est morte là; elle est tombée de son lit et est morte dans la cabane en tôle.
J'attendais l'occasion parfaite pour qu'elle vienne me rejoindre au Canada, j'attendais l'emploi parfait, la maison parfaite, la vie parfaite à laquelle elle pourrait se joindre. Mais elle n'a jamais eu la chance parce que l'occasion parfaite ne s'est jamais présentée.
Je dirais donc aux jeunes : n'attendez jamais le moment « parfait » pour faire ce dont vous rêvez, ou ce qui vous passionne. Si c'est la bonne chose à faire, n'attendez pas pour vous lancer. Faites-le maintenant!
Les occasions sont comme les portes : elles se ferment aussi vite qu'elles s'ouvrent. Profitez de chaque occasion qui se présente à vous. Point à la ligne.
Q : Y a-t-il un conseil financier dont vous auriez aimé bénéficier quand vous étiez plus jeune?
Wes Hall : Eh bien, je connaissais l'importance de l'épargne, mais pas celle de l'investissement. Quand je suis arrivé au Canada, mon père m'a dit : tu dois commencer à mettre de l'argent de côté. Alors quand j'ai commencé à gagner de l'argent en tant que livreur de journaux, j'ai mis de l'argent de côté, et ça s'est arrêté là. (Cette épargne) m'a permis de subvenir à mes besoins lorsque j'ai quitté la maison familiale à l'âge de 18 ans.
En revanche, si j'avais compris les avantages de l'investissement, j'aurais pu gagner beaucoup plus grâce aux rendements composés, au lieu de n'obtenir que 1 ou 2 % sur cet argent.
Q : Toujours dans le domaine financier, que pourrait surprendre les gens en ce qui concerne votre approche vis-à-vis de l'argent aujourd'hui?
Wes Hall : Que ce n'est pas ce qui me motive. Ça n'affecte pas la façon dont je fonctionne…
Pour moi, l'argent n'est pas quelque chose que l'on doit simplement accumuler. Je vois l'argent comme quelque chose qui sert aussi à réaliser de bonnes choses. Donc, pendant que vous le gagnez et le faites fructifier… essayez de vous en servir pour faire du bien. De cette façon, vous pourrez voir les bienfaits de l'argent que votre talent vous a permis de gagner.
L'entretien a été édité et condensé.